Depuis des années, les fonds négociés en bourse (ETF) sont présentés comme le moyen le plus simple d’investir : peu coûteux, diversifiés, et passifs par construction. Il suffirait d’« acheter l’indice » et de laisser le marché faire son travail de capitalisation.
Mais tous les ETF ne sont pas réellement passifs. De nombreux investisseurs prennent sans le savoir des paris actifs — sur des secteurs, des styles, voire des actions individuelles — via des fonds qu’ils croient diversifiés et sans risque.
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Dans cette analyse, nous allons examiner comment la structure des ETF influence leur performance, à quel moment le passif devient une exposition active déguisée, et comment analyser vos positions pour éviter les risques de concentration non intentionnels.
Plan de l'article
Qu’est-ce qu’un ETF, exactement ?
C’est quoi un ETF ? Un ETF (Exchange Traded Fund) est un panier de titres — actions, obligations, matières premières ou autres — qui réplique un indice ou une stratégie. Il se négocie comme une action, mais fonctionne comme un fonds commun de placement.
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On qualifie généralement un ETF de :
- Passif s’il suit un indice (ex. : S&P 500, Russell 2000)
- Actif s’il est géré de façon discrétionnaire par une équipe
Mais entre ces deux extrêmes existe un spectre plus large — et bon nombre d’ETF qualifiés de « passifs » intègrent des biais, spécificités ou déformations structurelles qui les rapprochent de stratégies actives.
Le mythe de la pureté du passif
Les investisseurs associent souvent le passif à :
- Une large diversification
- L’absence de sélection ou de timing
- Une performance alignée sur celle du marché
- De faibles frais et un faible risque
Mais ce que recouvre l’indice suivi par un ETF est plus important qu’il n’y paraît. Un ETF passif n’est diversifié que dans la mesure où l’indice l’est. Et nombre d’indices populaires sont :
- Fortement concentrés sur quelques titres ou secteurs
- Biaisés vers les valeurs de croissance ou le momentum
Construits sur des règles proches de la sélection active (ex. : smart beta)
Quand le passif devient actif par construction
Voici plusieurs façons dont la structure d’un ETF peut modifier de manière invisible l’exposition de votre portefeuille :
Pondération par capitalisation = biais momentum
La majorité des ETF indiciels utilisent une pondération par capitalisation boursière, ce qui donne davantage de poids aux grandes entreprises.
Cela crée un mécanisme auto-renforçant : Hausse du cours → augmentation de la capitalisation → poids accru dans l’indice → afflux de capitaux via les ETF → pression haussière supplémentaire
Ce n’est pas un positionnement neutre. C’est une stratégie momentum automatisée.
Les biais sectoriels et stylistiques sont intégrés
Certains ETF présentés comme des fonds « de marché » sont en réalité déséquilibrés.
Le NASDAQ-100 (QQQ) est présenté comme un indice de croissance technologique, mais comprend aujourd’hui des titres comme Pepsi, Costco ou Moderna — et plus de 42 % de ses performances proviennent de cinq actions.
VTI (Total Market US) détient plus de 4 000 actions, mais 60 % de l’indice est constitué de grandes capitalisations. Les small caps sont marginales.
Les investisseurs croient acheter une exposition globale, mais prennent en réalité un biais fort sur un style ou un secteur.
Le smart beta : règles passives, résultat actif
Les ETF smart beta cherchent à s’exposer à des facteurs tels que la valeur, le momentum, la qualité ou la faible volatilité.
Exemples :
- MTUM (momentum)
- QUAL (qualité)
Ils ne sont pas gérés activement au sens classique, mais ils appliquent des règles de construction et des rebalancements périodiques qui en font des produits passifs en apparence, mais actifs dans leurs effets.
Fréquence de rebalancement = dérive ou retard
Certains ETF rebalancent trimestriellement, d’autres semestriellement. Ce fonctionnement peut entraîner :
- Une dérive entre deux ajustements
- Un suivi de performance passée si les règles privilégient les gagnants récents
- Un retard dans l’ajustement face à un changement rapide des conditions de marché
Dans les environnements volatils, ces effets mécaniques peuvent provoquer des erreurs de suivi ou des biais de timing non anticipés.
Les règles d’indice = biais intégrés
Chaque indice a ses propres règles, et ces règles peuvent introduire des expositions inattendues.
Exemples :
- Les ETF ESG sous-pondèrent souvent l’énergie, surpondèrent la tech ou la santé
- Les ETF également pondérés (ex. : RSP) réduisent l’influence des mégacaps mais augmentent la volatilité des small caps
- Les ETF à dividendes peuvent être dominés par les services publics ou les banques
Vous croyez acheter un produit passif, mais vous effectuez en réalité des paris sur des secteurs ou des facteurs, parfois à votre insu.
Signes d’alerte : quand votre ETF passif agit comme un pari actif
Vous êtes peut-être surexposé si :
- Les 10 premières lignes de vos ETF sont identiques
- Vos ETF sont fortement corrélés lors des corrections de marché
- Vous détenez plusieurs fonds avec des expositions qui se chevauchent (ex. : QQQ + VTI + SPY)
- Votre portefeuille prétendument diversifié est composé à plus de 40 % de valeurs technologiques
- Vous n’avez jamais consulté la méthodologie de l’indice sous-jacent
Comment analyser vos ETF
Voici comment évaluer si vos ETF sont véritablement passifs ou dissimulent des expositions actives :
- Analysez les 10 principales positions: Les mêmes noms apparaissent-ils dans plusieurs fonds ? Si Apple, Microsoft ou NVIDIA représentent plus de 15 à 20 % de votre portefeuille global, vous êtes dans une logique de mégacap momentum, pas dans une exposition diversifiée.
- Examinez la répartition sectorielle: Utilisez des outils pour visualiser les pondérations sectorielles. Vous pourriez être plus exposé à la tech, à la santé ou aux financières que vous ne le pensez.
- Consultez la méthodologie de l’indice: Allez au-delà du nom de l’ETF. Recherchez les règles de l’indice (S&P, MSCI, NASDAQ) pour comprendre comment les titres sont sélectionnés, pondérés et remplacés.
- Comparez la performance réelle à l’indice: Certains ETF s’écartent fortement de leur benchmark. Un écart important peut révéler des risques cachés ou des biais structurels.
Conclusion : aucun portefeuille n’est neutre
Les ETF ont révolutionné l’investissement — mais ils ne sont pas aussi passifs qu’ils le paraissent. Chaque indice est un ensemble de règles, et chaque règle introduit des biais. Si vous ignorez la structure de vos ETF, vous risquez :
- Une surexposition aux mégacaps technologiques
- Une sous-exposition aux small caps ou aux valeurs décotées
- Une duplication involontaire de vos paris
- Une dépendance au momentum jusqu’à son retournement
Le passif n’est pas problématique en soi. Mais une approche passive sans compréhension peut devenir risquée. Plus le marché se concentre, plus la structure de vos ETF devient essentielle.